Le Cheikh Dr. Saleh Al-Fawzan a émis une fatwa déclarant que le fait que les gens se félicitent entre eux le vendredi en disant : « Jum’a Mubāraka » (vendredi béni) ou « Bārakallāhu fī Jum’atikum » (qu’Allah bénisse votre vendredi) constitue une innovation (bid‘a) et est interdit.
En réalité, cette affirmation est exagérée, car la légitimité de cette pratique est appuyée par des textes religieux et par le raisonnement.
Premièrement, concernant les textes religieux : les indications générales qui encouragent à invoquer la bénédiction (baraka) suffisent pour valider cette pratique selon la majorité des savants, surtout lorsque l’invocation comporte des bénéfices tels que le rapprochement des cœurs, l’instauration de l’affection et le maintien de bonnes relations entre les gens, ce qui est un objectif légitime en Islam.
De plus, At-Tabarani, Al-Khara’iti et Abu Shaykh rapportent dans Ath-Thawab (bien que la chaîne soit faible) que le Prophète ﷺ a évoqué les droits du voisin, mentionnant parmi eux : « Si un bien lui arrive, tu le félicites. » Cette recommandation est générale pour toutes les occasions et tous les bienfaits, et il ne fait aucun doute que féliciter et invoquer la bénédiction un vendredi est encore plus méritoire, car cela concerne une obéissance (acte de piété) et une fête (Aïd).
Or, les fêtes incluent naturellement les félicitations.
La faiblesse de ce hadith ne pose pas problème ici, car Al-Bayhaqi a affirmé dans Ash-Shu‘ab que les spécialistes du hadith acceptent les hadiths faibles dans les vertus (fadā’il), tant qu’ils ne sont ni inventés ni en opposition avec des hadiths authentiques.
Ce point est renforcé par le second argument.
Deuxièmement, le raisonnement et l’analogie (qiyās) : il est rapporté dans de nombreux récits que certains pieux prédécesseurs (salaf) pratiquaient les félicitations lors des fêtes, comme Wathila, Abu Umama, Omar ibn Abdelaziz, et Al-Hasan Al-Basri, entre autres.
De plus, l’Imam Zaher ibn Taher Ash-Shahhami a rapporté dans Tuhfat Al-‘Eid, avec une chaîne de transmission remontant à Jubayr ibn Nufayr : « Les compagnons du Prophète ﷺ, lorsqu’ils se rencontraient le jour de l’Aïd, se disaient : “Qu’Allah accepte de nous et de vous.” »
Féliciter par des invocations le vendredi pour demander la bénédiction est similaire, sans aucune différence, car le vendredi est également une fête (Aïd). Méditez bien ce point.
L’argument selon lequel une pratique n’a pas été explicitement rapportée (dans les textes religieux) n’implique pas nécessairement son interdiction absolue, selon la majorité des spécialistes en fondements du droit islamique (usûl al-fiqh).
Cela s’applique uniquement lorsqu’une telle pratique a été expressément rejetée par les pieux prédécesseurs (salaf).
Ce principe est particulièrement vrai dans les questions liées aux bonnes manières (adab), où la règle de base est fondée sur les usages sociaux, car l’objectif de la législation islamique dans ce domaine est de favoriser l’harmonie et l’affection entre les gens.
Cela relève du principe de la maslaha mursala (l’intérêt non spécifié par les textes), qui est bien établi comme source législative par les spécialistes en fondements du droit islamique. Et les félicitations font partie des bonnes manières.
L’érudit As-Suyûti rapporte une citation d’Al-Qammûli selon laquelle l’imam Al-Mundhiri a mentionné, dans son Fawâ’id, qu’on avait interrogé le juriste et érudit du hadith Abu Al-Hasan Al-Maqdisi au sujet des félicitations lors des débuts de mois et d’années. On lui demanda si cela constituait une innovation (bid‘a) ou non.
Il répondit que les gens avaient toujours divergé sur cette question, mais que, selon lui, cela est permis (mubâh), sans pour autant être une tradition recommandée (sunna) ni une innovation interdite (bid‘a). Cette réponse a été rapportée par Ash-Sharaf Al-Ghazi dans son commentaire de Sharh Al-Minhaj, sans qu’il y ait ajouté quoi que ce soit.
Ibn Taymiyya (Abou Al-Abbas) a mentionné qu’il n’y a pas de reproche à adresser des félicitations à celui qui ne les pratique pas, et il est constaté que les gens, dans toutes les époques et régions, manifestent des félicitations en invoquant la bénédiction pour le vendredi et d’autres occasions, sans aucune objection de la part des savants et des juristes.
De plus, As-Saffarini a souligné qu’il est recommandé d’adresser des félicitations pour toute bénédiction religieuse qui se renouvelle. Il a cité comme preuve l’histoire de Ka‘b ibn Malik et les félicitations des compagnons pour son pardon, ainsi que les félicitations adressées au Prophète ﷺ par ses compagnons lorsque la sourate Al-Fath (La Victoire éclatante) fut révélée, en disant : « Félicitations ! ».
Il est également rapporté d’Ahmad ibn Hanbal, dans l’une de ses deux opinions, qu’il autorisait de féliciter les gens du Livre (Ahl Al-Dhimma) pour des événements tels qu’une naissance ou un mariage.
Par conséquent, féliciter un musulman pour le vendredi, qui est une fête, est encore plus permis, selon le raisonnement basé sur l’avis d’Ahmad.
Un poète parmi les disciples d’Ahmad a résumé dans ses vers les avis concernant les relations avec les non-musulmans, en disant :
« Deux avis concernant l’autorisation des félicitations,
Des visites à leurs malades et les condoléances aux incroyants. »
Enfin, cher Cheikh Saleh, qu’Allah vous préserve, l’imam exemplaire Sufyan Ath-Thawri a déclaré :
« Le véritable savoir, c’est la permission donnée par une personne de confiance, car tout le monde est capable de faire preuve de dureté. »
Source
Je rajoute :
1. Les félicitations adressées le vendredi ou à d’autres occasions relèvent des habitudes et non des adorations. Ce qui appartient au domaine des habitudes offre une grande flexibilité.
2. La règle de base pour ces habitudes est leur permissivité, et elles restent permises tant qu’aucun texte ne les interdit explicitement.
3. Aucun texte n’interdit ce genre de félicitations, et en l’absence de texte interdisant, la règle de base prévaut : l’autorisation.
4. Il s’agit d’une forme de salutation reconnue parmi les gens, et tant que cette salutation ne comporte pas de contradiction avec les enseignements religieux, elle est permise.
5. L’objectif des félicitations est de manifester de l’affection, de la joie et du bonheur. Il n’y a aucun mal à ce qu’une personne se réjouisse et soit heureuse d’avoir été guidée par Allah pour accomplir un acte d’obéissance, car Allah dit : « Dis : [Ceci provient] de la grâce d’Allah et de Sa miséricorde ; qu’ils se réjouissent donc de cela. » [Younous : 58].
6. Il n’y a pas d’objection à ces félicitations tant qu’elles sont accompagnées d’un rappel des traditions et des bonnes pratiques propres au jour du vendredi.
7. Cela peut être comparé aux félicitations adressées à l’occasion des deux fêtes de l’Aïd, Al-Fitr et Al-Adha. De même que ces félicitations sont permises pour la fête annuelle, il n’y a pas d’objection à les adresser pour la fête hebdomadaire (le vendredi). En effet, il est rapporté que les félicitations ont été échangées par les compagnons et leurs successeurs à l’occasion des deux fêtes de l’Aïd.